Des jeunes ultra-connectés et sur-équipés

Médiamétrie s’est penchée sur les habitudes de visionnage de vidéo et de programmes de télévision des jeunes sur divers écrans. Les 4-24 ans regroupent des âges qui connaissent de fortes évolutions, les générations Z (1995-2010) et Alpha (depuis 2010). La génération Z est extrêmement technophile, a grandi avec les évolutions numériques, les réseaux sociaux et pratique donc une interactivité poussée à l’extrême via le numérique. La génération alpha, les enfants de millenials, est une génération de l’immédiateté, ultra-connectée, dont parents et institutions tentent de limiter l’exposition aux écrans. 

« Ce sont deux générations très technophiles, amatrices d’innovations, qui s’emparent des nouveaux usages médias avant qu’ils ne se démocratisent à l’ensemble de la population. Cela a été le cas pour la télévision en replay, la SVoD et aussi l’usage exclusif du mobile : les jeunes, initialement majoritaires à l’émergence de ces usages, ont vu leur part diminuer au fur et à mesure que le reste de la population les adoptait. Plus récemment, par exemple, on note qu’1 jeune sur 2 utilise un outil d’intelligence artificielle conversationnelle chaque mois (19% pour l’ensemble de la population)[i] » analyse Alyssa Normant, Chargée d’études senior à Médiamétrie.

L’équipement des jeunes au sein de leur foyer est révélateur de leurs usages. Les plus jeunes - entre 4 et 14 ans – réalisent la plus grande partie de leur consommation de contenus vidéo sur le téléviseur, suivi du smartphone, de l'ordinateur et de la tablette[ii].

Les foyers où résident les jeunes adultes sont moins équipés en téléviseurs : 14% des 20-24 ans vivent dans un foyer sans téléviseur contre 9% pour l’ensemble des foyers. Et 95% des 15-24 ans sont utilisateurs d’un smartphone. De fait, les jeunes de 15 à 24 ans privilégient le visionnage de contenus TV et vidéo sur smartphone, suivi du téléviseur, de l'ordinateur et de la tablette[iii].

Programmes TV et vidéo en différé et sur tous les écrans

Les jeunes développent des pratiques vidéo qui leur sont propres. 

Isabelle Maurice, Directrice Etudes, Veille et Prospective de Médiamétrie, remarque : « les jeunes ont une consommation très spécifique des programmes de télévision, à plusieurs titres : ils regardent plus de programmes en délinéaire, ont des moments de consommation TV singuliers, le matin et sans surprise les vacances scolaires, et enfin, ils sont adeptes de la pratique de la télévision en mobilité et sur les écrans digitaux. »

Les moins de 24 ans accordent une place significative au visionnage de la télévision en délinéaire - entre 14 et 15%, contre 9% pour l’ensemble de la population. Les plus jeunes d’entre eux privilégient une pratique matinale : 13% des 4-10 ans regardent la télévision avant 9 heures le matin en semaine et 24% avant 11 heures le week-end, essentiellement des dessins animés. Pour la soirée – le prime-time - les 4-14 ans regardent souvent les programmes familiaux en replay (1/5^ème du visionnage), par exemple Koh-Lanta ou Pékin Express. Enfin, les vacances scolaires constituent un moment privilégié pour regarder la télévision : la durée d’écoute quotidienne augmente de 25% pour les 4-14 ans et de 23% pour les 15-24 ans.

Les 15-24 ans sont particulièrement adeptes de la pratique de la télévision en mobilité et sur les écrans digitaux. Plus d’un quart de leur consommation de programme TV s’effectue en dehors du domicile, contre 7% pour l’ensemble des 4 ans et plus. C’est notamment le cas pour les grands événements sportifs comme les Jeux Olympiques et les matches de football. Dans une démarche de pratique plus individualisée, ces jeunes effectuent également plus d’1/10^ème de leur consommation TV sur les écrans digitaux à domicile - ordinateur, smartphone, tablette.[iv]

En ce qui concerne la SVoD, chez les moins de 25 ans, la pratique quotidienne augmente avec l’âge². Cet usage est en progression sur toutes les tranches d’âge depuis 2020, à l’exception des 15-24 ans, précurseurs et plus gros adeptes ; en novembre 2024, 70% des 15-24 ans ont utilisé un service de SVoD au cours des 12 derniers mois, un chiffre stable depuis 2020. Et près de 2/3 des 6-14 ans ont pratiqué la SVoD, en très forte progression (1 sur 2 en 2020).

De même que pour les programmes de télévision, les jeunes sont plus nombreux à regarder des programmes de vidéo à la demande sur ordinateur, smartphone ou tablette : 94% des 15-24 ans consultent un service de AVoD (dont BVod) sur ces écrans[v], contre 80% pour l’ensemble de la population, et 72% un service de SVoD[vi] (51% pour l’ensemble de la population)[vii].

Une pratique qui s’inscrit dans l’individualisation de leurs usages vidéo et leur ultra-connexion à Internet : 99% des 15-24 ans sont connectés à internet chaque mois (88% pour l’ensemble des 2 ans et plus). C’est 92% pour les 11-14 ans. A l’inverse, 61% des moins de 11 ans ne se connectent pas à internet.

Catherine Poullet, Directrice Mesure d'Audience Internet pour Médiamétrie//NetRatings, analyse : « le temps de surf quotidien est très différent selon les tranches d’âge. Les usages sont beaucoup plus intenses chez les jeunes : les 15-24 ans passent en moyenne 4h21 chaque jour sur Internet. Les collégiens ne sont pas en reste avec un temps de surf quotidien de 2h55. Le temps d’écran de ces jeunes ados entre 11 et 14 ans est un sujet de société, illustré par le poids des applications de contrôle parental telles que Google Family Link qui approche les 2 millions de visiteurs uniques mensuels ».

Télévision, plateformes, réseaux sociaux : des contenus variés

Le choix des genres de programmes varie selon les âges. A la télévision, naturellement, les 4-10 ans sont les principaux adeptes de contenus jeunesse. Le sport fait partie des genres plébiscités par toutes les tranches d’âge avant 25 ans. La fiction, les magazines, l'information et les documentaires sont de plus en plus appréciés au fur et à mesure que les jeunes évoluent en âge. 

Netflix, Prime Video et Disney + constituent le top 3 des plateformes de SVoD auprès des moins de 25 ans. Netflix et Disney + sont préférées des moins de 25 ans, en lien avec l’offre que ces plateformes leur dédient[viii]. Sur ces plateformes, les 15-24 ans plébiscitent les séries. Les programmes les plus regardés sur Netflix par les 15-24 ans sont des séries comme « Outer Banks », « Casa de Papel », « les Chroniques de Bridgerton », sur Prime Video « The Boys », « Person of Interest », sur Disney +, on retrouve des programmes issus de la télévision comme « Once upon a time » ou « The Simpsons ».

Les genres plébiscités par les jeunes sont en forte croissance sur les plateformes de SVoD : le volume d’Anime – ces séries ou films d'animation en provenance du Japon adaptés de mangas - et dessins animés a été multiplié par 3 en 5 ans avec 3 088 titres disponibles en décembre 2024. L’apparition de la plateforme Crunchy Roll dédiée aux Anime en janvier 2024 a significativement contribué à cette croissance de l’offre. Concernant les formats TV, les titres de télé-réalité ont été multipliés par 7 en 5 ans et les jeux par 4.

Sur internet, on observe un engagement massif des jeunes sur les réseaux sociaux et messageries où le poids des vidéos est prépondérant. Sans surprise, les jeunes représentent les early adopters des réseaux sociaux qui progressivement gagnent le reste de la population. C’est ce que l’on constate en observant leur part dans l’audience : 15% pour Facebook, 29% pour Instagram, 39% pour Snapchat, 50% pour Tik Tok et 80% pour Be Real.

Les internautes deviennent à leur tour des producteurs de contenus avec les applications de montage et retouche de photos et vidéos telles que Canva, Capcut, InShot, Picsart : 3,6 millions de 15-24 ans - près d’1 sur 2 - visitent ces applications chaque mois, une croissance très soutenue.

La consommation vidéo des jeunes, en constante mutation, est donc le reflet d’un rapport singulier aux écrans et au numérique, façonné par la mobilité, l’immédiateté et l’interactivité. À l’heure où les écrans sont partout, et face à ces transformations profondes, leur rapport aux contenus dessine les contours du futur paysage médiatique.

Laure Osmanian