Le cinéma à la TV et en SVOD : un genre privilégié par le public ?

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Temps de lecture : 4 minutes

Les œuvres cinématographiques bénéficient d’une diffusion à la télévision et en vidéo à la demande pour trouver ou retrouver un public moins présent dans les salles obscures. Les téléspectateurs sont friands de comédies françaises ayant cartonné en salles et les streamers privilégient les nouveautés, surtout en achat ou en location à l’acte.

L’exploitation des films de cinéma à la TV et en SVOD permet-elle de leur donner un peu de la visibilité qu’ils ont de plus en plus de mal à trouver en salles, où la fréquentation du public n’a toujours pas retrouvé le niveau d’avant la crise sanitaire ? Les performances de certains films français pourraient laisser penser que c’est d’abord le triomphe en salles d’une œuvre cinématographique qui lui garantit un succès auprès des téléspectateurs et des streamers. Intouchables, troisième film de tous les temps au box-office français -derrière Titanic et Bienvenue chez les Ch’tis- avec près de 19,5 millions de spectateurs dans les salles en 2011-2012, a ainsi signé la plus forte audience cinéma à la télévision sur la période 2014-2024. Lors de sa première diffusion en prime time sur TF1 le 7 décembre 2014, il avait réuni près de 13,9 millions de téléspectateurs de 4 ans et plus.

La comédie française à l’honneur

« Le Top 10 de cette décennie est d’ailleurs largement dominé par les comédies françaises ayant performé en salles », relève Isabelle Maurice, directrice Etudes, Veille et Prospective de Médiamétrie. Bienvenue chez les Ch’tis, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, Les Tuche et même Les Visiteurs -rediffusé lors du confinement en avril 2020- ont en effet toutes attiré plus de 8 millions de téléspectateurs. L’an dernier, c’est Maison de retraite qui a réalisé la meilleure audience en télévision pour un long métrage, en captivant environ 7 millions de personnes sur TF1 en prime time le 10 mars 2024 et figurant ainsi à la 32e place du Top 100 des audiences TV, tous films confondus. Toujours une comédie française donc, mais qui avait été vue par seulement un peu plus de 2 millions de spectateurs au cinéma (17e rang des entrées en salles en 2022).

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M Insights Cinéma TV SVOD 1

« Le cinéma est l’industrie du prototype par excellence et peut connaître parfois des difficultés. Dans ce cadre, il est important que les films trouvent une résonnance particulière en TV et en SVOD, estime Marine Boulanger, directrice Cinéma et Entertainment chez Médiamétrie. Ce fut longtemps le cas en TV, cela peut concerner maintenant la SVOD », poursuit-elle, prenant le récent exemple du long métrage Ténor, qui a plus performé sur Netflix qu’en salles. Pour Marine Boulanger, « les spectateurs de cinéma sont sans doute plus sélectifs dans leur choix de films, le prix d’une entrée en salle étant aujourd’hui presque équivalent à un abonnement mensuel à un service de streaming ».

Les œuvres vidéo pour les abonnés aux plateformes

Cela n’empêche pas les abonnés aux plateformes de voir et revoir les grandes affiches du 7e art. Après avoir attiré plus de 9,4 millions de spectateurs dans les cinémas l’an dernier, Le Comte de Monte-Cristo a enregistré plus de 2,9 millions d’actes de consommation en streaming sur myCANAL au premier quadrimestre 2025. Le prolongement d’un succès donc pour cette nouvelle adaptation du classique d’Alexandre Dumas, qui est néanmoins la seule œuvre cinématographique figurant dans le Top 10 des films les plus visionnés en SVOD. Elle est notamment devancée par deux autres films n’ayant eux pas connu le passage en salle, qualifiés de « Direct to Video » : le thriller franco-belge Ad Vitam et le film d’action américain Back in action, qui ont bénéficié d’environ 4 millions d’actes de consommation sur Netflix sur janvier-avril 2025.

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M Insights Cinéma TV SVOD 2

En 2024, il fallait descendre au dixième rang des fictions unitaires les plus visionnées sur les services en ligne pour voir apparaître un premier film de cinéma. Le biopic américain Oppenheimer, qui avait attiré plus de 4,4 millions de cinéphiles dans les salles, a presque atteint 2,6 millions d’actes de consommation auprès des streamers de myCANAL puis de Netflix sur l’année 2024. Loin donc des films français Sous la Seine et Loups-garous -cartons de l’année avec respectivement plus de 5,4 millions et 3,7 millions d’actes de consommation sur douze mois- et de fictions américaines direct to video produites pour Netflix. « Les plateformes ont une capacité à faire connaître leurs marques instantanément, avec une page d’accueil qui annonce leurs nouveautés en cours et à venir, explique Marine Boulanger. Ce n’est pas toujours le cas des films de cinéma, qui souffrent souvent d’un déficit de notoriété, faute d’information sur les sorties. » 

Une offre conséquente en prime time TV et en SVOD

A défaut d’une bonne visibilité de ses nouveautés, le cinéma continue à afficher « une bonne stabilité à la télévision, avec une bonne adéquation entre l’offre et la consommation », constate Isabelle Maurice. En 2024, les longs métrages représentaient sur l’ensemble de la journée 5% de l’offre de programmes des chaînes gratuites et 6% de la consommation télévisée, soit presqu’autant qu’en 2014. Avec une forte concentration du 7e art en prime time, où il constituait l’an dernier 20% des contenus proposés entre 21H15 et 22H50, pour 18% de ce que regardait le public. « Le cinéma est le deuxième genre le plus consommé en prime time après les fictions TV, en série ou unitaires, qui représentent 24% de l’offre et 32% de la consommation », détaille l’experte de Médiamétrie.

Au sein des services vidéo par abonnement, les films représentaient près de la moitié de l’offre sur la période janvier-mai 2025, avec 13 189 des 27 182 titres uniques comptabilisés par Médiamétrie, loin devant les autres types de programmes proposés (source : étude SVOD Monitor mai 2025). Dans le détail, la catégorie cinéma (au sens large, puisqu’elle réunit les films sortis en salles et ceux directement proposés en vidéo) domine le catalogue des principaux opérateurs du marché -Netflix, Prime Video, Disney+, myCANAL-. Prime Video « affirme clairement son ambition de dominer l’offre Films, avec 4 453 titres disponibles en mai contre 3 060 sur Netflix, 2 711 sur myCANAL et 1 104 sur Disney+ », précise l’étude SVOD Monitor.

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M Insights Cinéma TV SVOD 3

Mais ce sont les plateformes comme Disney+, Max, Paramount et myCANAL qui proposent la plus forte proportion d'œuvres sorties en salles sur leur service (entre 75 et 90% de leur offre cinéma). Chez les deux leaders du marché, Netflix et Prime Video, la part des œuvres d’abord passées par les salles obscures est évaluée à respectivement 19 et 32% de leur offre films. Et chez Apple TV+, seulement à 6%... Pour conquérir et fidéliser le public, ces plateformes misent davantage sur l’exclusivité et des contenus originaux.

En fait, comme l’indique le Centre National de la Cinématographie et de l’Image animée dans son baromètre sur l’année 2024 dévoilé à la mi-mai dernier, « le cinéma est le premier genre consommé en vidéo physique (72,4 %) et encore davantage en vidéo à la demande transactionnelle (85,6 %). L’organisation précise également que « le film Un p’tit truc en plus prend la tête du classement des meilleures ventes sur ce dernier segment. » Dans son Observatoire annuel publié début 2025, elle souligne d’ailleurs que « la vidéo transactionnelle est dépendante du marché de la salle, et notamment de l’offre de films en première exclusivité ».  Autrement dit, ce sont d’abord les œuvres cinématographiques récentes qui profitent de la vidéo, essentiellement pour l’achat et la location à l’acte.

Une situation que peut notamment expliquer la chronologie des médias, le système réglementaire organisant la diffusion des films. Dans ce dispositif qui a fait l’objet ces dernières années d’importantes négociations et de plusieurs changements, l’exploitation en vidéo -sur support physique (DVD ou Blu-ray) ou dématérialisée (VOD)- commercialisée à l’acte a conservé l’avantage de la première fenêtre, 4 mois après la sortie des œuvres en salles. Cela lui permet de bénéficier de l’attrait du public pour les nouveautés, en particulier celles qui ont connu le succès au cinéma et jouissent encore d’une forte notoriété. Les autres diffuseurs l’ont compris, les chaînes et les plateformes payantes sur abonnement poussant à un raccourcissement des délais en leur faveur pour s’adapter aux nouveaux usages. Depuis 2022, Canal+ et myCANAL peuvent ainsi proposer des films inédits 6 mois après leur sortie et Netflix 15 mois. Quant à Disney+, elle a obtenu début 2025 une fenêtre à 9 mois, tandis que les autres services de vidéo payants – Prime Video, Apple TV+…- et les chaînes gratuites sont respectivement restées à 17 et 22 mois. Mais le système pourrait encore évoluer : Netflix et Amazon ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat pour faire annuler cette nouvelle chronologie. Le débat est donc loin d’être clos.

 

Direction de la publication : Equipe Communication de Médiamétrie

Rédaction : Didier Si Ammour

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